Quand la propagande tue la vérité : pourquoi il faut se méfier des chiffres fournis par le Hamas à Gaza

Dans les conflits modernes, les chiffres ne sont pas de simples données : ils deviennent des armes narratives. À Gaza, les bilans humains relayés par le ministère de la Santé — une entité sous contrôle du Hamas — sont largement diffusés par les médias et les institutions internationales.
Mais peut-on réellement leur accorder une confiance aveugle ? Et quelles sont les conséquences de cette crédulité?
Un ministère sous contrôle du Hamas
Depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas en 2007, ce dernier a nommé ses propres ministres de la Santé, distincts de ceux de la Cisjordanie. Le ministère de la Santé de Gaza, bien que présenté comme une source officielle et censé être une structure civile, est dirigée par des cadres affiliés au Hamas, organisation reconnue comme terroriste par l'Union européenne, les États-Unis et d'autres pays.
Puisque le ministère de la Santé de Gaza n'est pas une entité indépendante, mais fait partie intégrante de l'appareil du Hamas, cette situation soulève des questions sur l'objectivité et la fiabilité des informations qu'elle diffuse.
Des précédents de manipulation des statistiques
Lors de conflits précédents, notamment en 2014, et jusqu'à présent, des analyses ont révélé des incohérences dans les chiffres rapportés par le ministère de la Santé de Gaza. Des combattants ont été comptabilisés comme civils, et des décès non liés directement aux combats ont été inclus dans les bilans.
Le 25 octobre 2023, le président américain Joe Biden a publiquement mis en doute l’exactitude des chiffres fournis par le Hamas. De même, l’organisation UN Watch et plusieurs analystes indépendants ont noté des anomalies statistiques frappantes : par exemple, une répartition par âge et par sexe presque parfaitement équilibrée, ce qui est hautement improbable dans un contexte de guerre urbaine asymétrique.
Plus récemment, une étude du Jerusalem Center for Public Affairs a démontré que le Hamas avait intégré à ses bilans des morts naturelles, des victimes d’exécutions internes, et même des personnes tuées par des roquettes palestiniennes tombées à Gaza.
Une stratégie de victimisation orchestrée
Le Hamas utilise les chiffres des victimes pour influencer l'opinion publique internationale. En exagérant les pertes civiles, il cherche à susciter l'indignation et à délégitimer Israël. Cette instrumentalisation des données humanitaires détourne l’attention de la responsabilité du Hamas dans le déclenchement ou l’aggravation des conflits.
La pression sur les journalistes et la censure
A Gaza, les journalistes travaillent dans un climat de peur et de répression imposé par le Hamas.
Des témoignages recueillis par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), dont celui du reporter Tawfiq Abu Jarad, révèlent des cas de menaces, d’agressions, d’arrestations et d’expulsions visant ceux dont la couverture est jugée "défavorable".
Ce climat d’intimidation fausse la capacité des journalistes à rapporter objectivement les faits, en particulier lorsqu’ils tentent de couvrir des manifestations anti-Hamas.
Les conséquences de la désinformation
Mésinformation du public : les opinions se forment sur des données biaisées, ce qui alimente la polarisation
en particulier via les réseaux sociaux, les campagnes de microciblage et de propagande émotionnelle exploitant les peurs et préjugés des individus.Perte de crédibilité des médias : exacerbée par les accusations de biais éditoriaux et de désinformation, les corrections tardives ou absentes altèrent la confiance du public.
Obstruction à la paix : les Nations Unies rapportent que la mésinformation et la désinformation ont un impact sévère ou critique sur le travail des missions de maintien de la paix, aggravé par une compréhension faussée des réalités empêchant tout dialogue fondé.
Valeurs en conflit : démocratie libérale vs radicalisme islamiste
Les démocraties libérales reposent sur des principes fondamentaux tels que la séparation des pouvoirs, la liberté d'expression, le respect des droits de l'homme et la transparence des institutions. Ces valeurs garantissent un espace public où le pluralisme d'opinions est non seulement toléré, mais encouragé. La presse y joue un rôle de contre-pouvoir, et la vérification des faits est au cœur du processus démocratique.
À l'opposé, les régimes islamistes radicaux, tels que celui instauré par le Hamas à Gaza, s'appuient sur une vision théocratique du pouvoir où la loi religieuse prévaut sur le droit civil. Dans cette perspective :
La vérité est subordonnée à l'idéologie : la diffusion d'informations peut être orientée pour servir les objectifs du mouvement, même au détriment de la réalité des faits (principe de la Taqyia dans l'islam).
La vie humaine est instrumentalisée : les pertes civiles peuvent être utilisées comme leviers de communication pour susciter l'indignation internationale.
La propagande est un outil central : plutôt que d'informer, elle vise à mobiliser et à renforcer l'adhésion à la cause.
Cette divergence fondamentale est analysée par plusieurs chercheurs. Par exemple, Olivier Roy, directeur de recherches au CNRS-spécialiste de l'islam, souligne que l'islamisme radical est une réaction à la modernisation perçue comme agressive, utilisant des thèmes religieux pour mobiliser politiquement . De plus, le Hamas est décrit comme un mouvement islamiste radical dont l’idéologie exprime une vision du monde marquée par des thèmes eschatologiques, excluant toute possibilité de coexistence ou de modération .
Cette instrumentalisation de la religion à des fins politiques contraste avec les principes démocratiques où la religion et l'État sont distincts, garantissant ainsi la liberté de conscience et la neutralité de l'État.
D'ailleurs, les societés démocratiques, en projetant leurs propres normes sur ces régimes, s'exposent au danger d'un relativisme culturel appliqué sans discernement avec une tolérance excessive envers des idéologies radicales compromettre l'integrité de leurs valeurs fondamentales.
Ce fossé idéologique explique pourquoi les données émanant de régimes islamistes radicaux ne peuvent être acceptées sans un examen critique rigoureux.
Pourquoi cela nous concerne tous
Ce conflit de valeurs explique en partie pourquoi des chiffres, pourtant invérifiables ou suspects, trouvent un écho aussi rapide en Occident : parce qu’ils sont instrumentalisés pour culpabiliser les démocraties, à travers leur propre langage moral.
Ne pas prendre en compte ce fossé idéologique revient à juger les deux parties d’un conflit avec des critères inégaux : on attend d’Israël une transparence démocratique totale (souvent justifiée), mais on excuse ou ignore l’absence totale de normes similaires chez ses adversaires.
Cela crée un déséquilibre moral et cognitif dans la compréhension du conflit, où la complexité est écrasée par la force émotionnelle de chiffres manipulés.
Appel pour une lucidité démocratique
La guerre n’est pas seulement un affrontement militaire — c’est un choc de récits, de valeurs et de visions du monde. Lorsque les démocraties reprennent sans filtre les données d’un régime fondé sur l’opacité et la manipulation idéologique, elles compromettent leur propre intégrité.
Il ne s’agit pas de nier la souffrance à Gaza, ni de justifier les pertes civiles. Ce n’est pas être insensible aux souffrances à Gaza que de douter des chiffres produits par une organisation terroriste. C’est au contraire affirmer que la compassion ne dispense pas de la rigueur. Être lucide, ce n’est pas être cynique — c’est refuser d’être instrumentalisé.
Il s’agit de se rappeler que l’exigence de vérité est une condition de justice. Et que dans le brouillard de la guerre, la rigueur éthique et intellectuelle n’est pas un luxe élitiste, mais une nécessité démocratique vitale.
Franco-israélienne et mère de famille, elle a fait son Alyah il y a huit ans. Après un parcours dans le secteur de la santé en France, puis comme assistante de direction en Israël, elle travaille aujourd’hui dans le domaine de l’information et de la communication.
Passionnée par la Vérité, elle partage des réflexions à la croisée de l’histoire, de l’actualité et de la foi, depuis la terre d’Israël.