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Quand être juif est un crime d'origine

Illustration - Une famille juive assise dans une souccah pendant la fête juive de Souccot, à Moshav Yashresh, le 2 octobre 2020. (Photo : Yossi Aloni/Flash90)

Il existe un seul peuple auquel le monde impose cette doctrine : avez-vous renoncé à vos origines ? Les invitations à prendre la parole, à composer, à se produire sur scène comportent souvent cette clause tacite. La valeur ne se mesure pas au mérite de l'œuvre, mais à la disposition à renoncer à une partie de son héritage avant d'entrer dans la pièce.

D'autres peuvent chérir leur patrie sans être soupçonnés. L'Irlandais qui rumine sur Dublin est un romantique. L'Arménien qui invoque l'Ararat est un conservateur de la civilisation. Le Kurde qui murmure le nom de ses montagnes est considéré comme un poète. Le Juif qui prononce « Jérusalem » avec émotion devient immédiatement une complication géopolitique. Pour lui, l'impulsion humaine ordinaire d'appartenance se transforme en idéologie, et l'idéologie en culpabilité.

L'histoire montre la lignée de cette obsession. Le Moyen Âge exigeait la conversion comme prix à payer pour respirer. Les Lumières, avec leur raison poudrée, exigeaient que la foi juive soit confinée à la sphère privée et que la lignée juive soit niée dans la sphère publique. L'Union soviétique, toujours bureaucratique dans ses haines, qualifiait même un poème mélancolique sur Sion de trahison sous la rubrique « antisionisme ».

Le XXIe siècle ne fait que ressusciter cette même chorégraphie. Depuis le 7 octobre 2023, l'insistance est devenue fiévreuse. Les Juifs sont appelés non seulement à censurer ou à défendre les actes d'un gouvernement, mais aussi à renoncer à l'idée même de nation juive, à renoncer à la seule patrie que leur histoire leur offre. Cette exigence s'applique aux romanciers, aux historiens, aux violonistes, aux chroniqueurs ; le travail lui-même est accessoire. Ce qui importe, c'est le rituel public de purification.

Aucun autre peuple n'est soumis à cette épreuve. Les Arméniens peuvent défendre l'Arménie sans être critiqués. Les Kurdes peuvent parler au nom du Kurdistan sans être exilés. Seuls les Juifs doivent faire exception. L'ancienne vanité persiste : l'identité juive n'est acceptable que lorsqu'elle est réduite à un folklore, dépouillée de sa souveraineté, domestiquée en quelque chose de pittoresque et d'impuissant.

Les apologistes se flattent de croire qu'il ne s'agit pas de préjugés, mais de principes. Que remettre en question la loyauté des Juifs est le summum de la rigueur intellectuelle. C'est un sophisme. Ce que nous regardons, c'est la plus ancienne des exclusions, habillée d'un nouveau costume. C'est le marché éternel : « Soyez moins vous-mêmes, et nous vous permettrons de rester. »

L'appartenance n'est pas une sédition, et l'origine n'est pas une contrebande. Une société incapable de comprendre cela ne s'arrêtera pas aux Juifs. L'habitude d'effacer, une fois apprise, se tournera vers l'extérieur avec la même ferveur jusqu'à ce que personne, nulle part, ne puisse conserver son passé. Et lorsque l'heure viendra, lorsque les puristes seront confrontés au silence qu'ils ont provoqué, ils ne trouveront ni rire, ni souvenir, ni trace de ce qui était humain, seulement la perfection aseptisée d'un monde parfaitement propre. Et parfaitement mort.

Ab Boskany is Australian poet and writer from a Kurdish Jewish background born in Kurdistan (northern Iraq). His work explores exile, memory, and identity, weaving Jewish and Kurdish histories into fiction, poetry, and essays.

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