La Ligue arabe rompt avec le Hamas : Une nouvelle ère pour la politique au Moyen-Orient

La déclaration commune de la Ligue arabe, qui condamne pour la première fois explicitement l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et exige que le groupe désarme et mette fin à son règne à Gaza, est bien plus qu'une simple note diplomatique. Elle représente un changement tectonique dans les relations du monde arabe avec la cause palestinienne et avec Israël. Après des décennies de soutien ouvert ou de silence stratégique, la majorité des pays arabes ont désormais tourné le dos de manière décisive à la faction armée du mouvement national palestinien. Il ne s'agit pas seulement d'un changement de rhétorique, mais d'un réalignement stratégique qui pourrait remodeler fondamentalement le paysage politique du Moyen-Orient.
Ce revirement spectaculaire trouve son origine dans plusieurs facteurs clés, dont le principal est la relance, certes fragile, du processus de paix visant à instaurer une solution à deux États. Pendant des années, le contrôle de Gaza par le Hamas et sa charte appelant à la destruction d'Israël ont constitué un obstacle majeur à tout processus de paix significatif. Aujourd'hui, la Ligue arabe le dit clairement : un État palestinien viable ne peut exister qu'avec un gouvernement unique et unifié sous l'Autorité palestinienne. Le message est sans ambiguïté : le maintien au pouvoir du Hamas et ses capacités militaires ne sont pas considérés comme une forme de résistance, mais comme une menace existentielle pour l'idée même d'une nation palestinienne souveraine. La Ligue arabe a, en substance, choisi la voie de l'État politique plutôt que celle de la lutte armée, signalant ainsi un choix stratégique profond.
La condamnation publique de l'attaque du 7 octobre constitue en soi un tournant décisif. Si de nombreux pays arabes ont initialement publié des déclarations prudentes, l'ampleur de la brutalité et la guerre catastrophique qui a suivi à Gaza ont changé la donne. La déclaration de la Ligue arabe est une reconnaissance du fait que l'attaque a été un échec stratégique qui non seulement n'a pas fait avancer la cause palestinienne, mais l'a même activement fait reculer. Cette désapprobation publique des actions du Hamas représente une rupture avec une règle tacite de longue date dans la politique arabe : la résistance palestinienne, quelles que soient ses méthodes, ne devait pas être critiquée ouvertement. Cette décision suggère que les États arabes privilégient désormais la stabilité régionale et leurs propres intérêts nationaux plutôt que la solidarité idéologique avec un groupe militant.
Cette réorientation est également étroitement liée à la tendance plus large à la normalisation avec Israël. Les accords d'Abraham ont démontré que les principaux États arabes sont prêts à établir des relations diplomatiques et économiques avec Israël, souvent dans le but de contrer l'influence iranienne et de favoriser la stabilité régionale. L'attaque du 7 octobre a brusquement interrompu ce processus. En exigeant le désarmement du Hamas et la fin de son règne, la Ligue arabe supprime de fait l'un des derniers obstacles majeurs aux futurs efforts de normalisation. Cette décision témoigne d'une volonté collective de revenir sur la voie de l'intégration et de la coopération régionales, une voie que de nombreux pays arabes influents considèrent comme essentielle pour leur sécurité et leur prospérité à long terme.
La crise humanitaire catastrophique à Gaza a également exercé une pression énorme sur les gouvernements arabes pour qu'ils agissent. La guerre, déclenchée par l'attaque du Hamas, a entraîné des souffrances généralisées, des déplacements de population et une crise humanitaire. La déclaration de la Ligue arabe, tout en condamnant les actions d'Israël, met l'accent sur le rôle du Hamas dans la perpétuation du conflit. L'appel lancé au Hamas pour qu'il cède le pouvoir est présenté comme une étape nécessaire pour mettre fin à la guerre et permettre l'acheminement à grande échelle de l'aide humanitaire, la reconstruction et l'ouverture d'une voie vers un avenir plus stable pour la population de Gaza. L'accent mis sur l'impératif humanitaire reflète la profonde préoccupation de l'ensemble du monde arabe face aux immenses souffrances endurées à Gaza et le désir de trouver une issue à la crise actuelle.
Enfin, la déclaration commune exerce une pression considérable sur les pays qui ont toujours soutenu le Hamas, notamment le Qatar et la Turquie. Ces nations, qui ont souvent joué le rôle de médiateurs, font désormais partie d'une position arabe collective qui s'oppose directement au maintien au pouvoir et au statut armé du Hamas. Ce nouveau positionnement pourrait contraindre ces pays à user de leur influence pour faire pression sur le Hamas afin qu'il accepte les termes de la déclaration, sous peine de se trouver en décalage avec le consensus arabe général.
En conclusion, le revirement de la Ligue arabe à l'égard du Hamas est une évolution multiforme motivée par une réévaluation pragmatique du passé. Il trouve son origine dans la volonté de sauver la solution à deux États, la reconnaissance des conséquences destructrices de l'attaque du 7 octobre, le désir de stabilité régionale et de normalisation avec Israël, ainsi que la profonde préoccupation suscitée par la crise humanitaire à Gaza. Ce tournant historique représente un point d'inflexion potentiel dans le conflit israélo-palestinien, qui pourrait remodeler fondamentalement le paysage politique du Moyen-Orient.
Cet article a été initialement publié sur ALL ARAB NEWS et est republié avec autorisation.

Haisam Hassanein est chercheur associé au FDD, où il analyse les relations d'Israël avec le monde arabe et musulman. Ses écrits ont été publiés dans le Wall Street Journal, Foreign Affairs, New Daily News et bien d'autres.