Dans le silence après la tempête : guérir les cœurs en Israël post-conflit
Alors que les bruits brutaux et traumatisants de la guerre s’estompent et que les otages retrouvent leur foyer, Israël fait face à une nouvelle explosion : le poids psychologique et spirituel de la reconstruction.
Les bruits des missiles et des roquettes se sont apaisés. Les otages, retenus pendant 438 jours dans les tunnels du Hamas, sont enfin rentrés auprès de leurs familles, sortant de deux années de peur et d’incertitude. Un cessez-le-feu, aussi fragile soit-il, recouvre le pays et son peuple, encore marqués par la violence incessante et le terrorisme atroce. Tandis que le monde célèbre ce que Donald Trump appelle « la fin de la guerre », les Israéliens vivent une réalité plus silencieuse et ambiguë : la bataille extérieure est suspendue, mais le tumulte intérieur demeure. Beaucoup entrent peut-être dans une nouvelle guerre, non plus sur le terrain, mais dans les cœurs, les esprits et les âmes.
Pour ceux qui ont vécu sous vigilance et crainte constantes, l’adrénaline qui les portait à travers les nuits de sirènes, de pertes et de dangers s’est dissipée. Soldats, secouristes, bénévoles et civils, porteurs du poids de la guerre, font désormais face à un vide inconnu, que certains appellent « LA PAIX ». Les psychologues parlent d’un vide post-crise : une période où le sens et l’élan qu’imposait un traumatisme tel que la guerre s’effacent, et où le deuil, longtemps réprimé par nécessité, commence à émerger. Les enfants, qui se précipitaient autrefois instinctivement vers les abris anti-bombes, luttent maintenant contre les cauchemars, l’anxiété et la confusion liée à la rupture de leurs routines. Tandis que certaines familles se réjouissent du retour des otages vivants, d’autres doivent encore attendre douloureusement le retour des corps des défunts, prolongeant le chagrin, conscients que la joie n’est pas pour eux.
L'ampleur de l'impact de la guerre est stupéfiante. Selon le rapport national israélien sur la santé mentale (2025) et les données de l'OMS, les taux de traumatismes psychologiques chez les Israéliens sont historiquement élevés, et les professionnels israéliens de la santé mentale mettent en garde contre un "tsunami" de stress post-traumatique et d'anxiété dans toutes les tranches d'âge. Le Dr Tamar Shapira, psychologue spécialisée dans les traumatismes à Tel-Aviv, note que de nombreux intervenants de première ligne sont désormais confrontés à ce qu'elle appelle une "fatigue identitaire post-crise", un vide psychologique après des mois d'alerte maximale.
L’histoire et les Écritures montrent que ces interludes ne sont ni nouveaux ni accidentels. Les Israélites, après avoir traversé la mer Rouge, ont passé des décennies à naviguer dans l’incertitude du désert. Les exilés sont revenus à une Jérusalem détruite, en deuil mais contraints de reconstruire. Même les disciples, après la résurrection, attendirent dans la chambre haute, incertains de ce qui allait suivre. Ces périodes entre crise et accomplissement sont des espaces sacrés où Dieu rencontre son peuple, non pas avec éclat, mais avec patience. « Soyez tranquilles, et sachez que je suis Dieu » (Psaume 46:10) n’est pas un appel à l’inaction, mais un rappel de fonder son identité en Dieu plutôt que sur les circonstances ou les rôles que l’on occupe.
Dans ce contexte, le corps des croyants, tant local qu’international, peut jouer un rôle essentiel. Les communautés de foi peuvent offrir des espaces de deuil collectif, de partage sécurisé des histoires et d’ancrage de l’espérance dans les promesses de Dieu.
L’action pratique découle naturellement de la prière et de la présence auprès de ceux qui souffrent. Rassembler familles, voisins et assemblées pour écouter, pleurer et réfléchir peut transformer les souvenirs fragmentés en une narration partagée. La louange, l’art et l’expression créative offrent des outils de restauration, donnant voix au deuil tout en révélant des lueurs d’espérance. Les services de conseil professionnel et les programmes de soins en traumatologie garantissent que l’accompagnement dépasse le spirituel, touchant corps, esprit et âme selon le modèle biblique.
L’Israël post-guerre fait face à un paradoxe : soulagement et dévastation coexistent.
En tant que croyants, nous sommes appelés non seulement à nous réjouir de la cessation de la violence, mais à marcher aux côtés de ceux qui souffrent encore, auprès des endeuillés, des épuisés et des troublés. Le travail de Dieu se poursuit même dans les espaces silencieux entre catastrophe et reconstruction, entre douleur et restauration.
C’est comme planter des oliviers après un incendie, chaque acte de prière, de présence et de compassion devient une graine d’espérance, prenant racine lentement et révélant comment Dieu guérit activement les cœurs dans le sillage de la guerre.

Micaël Carter vit en Israël avec son épouse et leurs trois filles, après avoir fait son alyah depuis la France en 2017. Il dirige Multiply Equip Impact, est impliqué dans le ministère et travaille dans les médias, tout en écrivant sur Israël, la foi et la région.