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Après l'exil et la dispersion des tribus

Des hélicoptères de l'armée américaine atterrissent le 15 juillet 2022 à l'aéroport international Ben Gourion, près de Tel Aviv. (Photo : Yonatan Sindel/Flash90)

Que signifie appartenir à un peuple qui ne parvient pas à s'accorder sur sa « place » ? Qui peut prononcer le mot « nous » sans y glisser un ultimatum ? Et quelle sorte de modernité demande aux Juifs d'être à la fois une nation, une confession, une mémoire, une expérience morale et, lorsque cela arrange, une catégorie suspecte ?

Une petite querelle persistante se trouve au cœur de la vie juive moderne et fait rarement la une des journaux. Il s'agit de la conversation inachevée entre ceux qui vivent en Israël et ceux qui vivent ailleurs. D'un côté, il y a un État avec une armée, des embouteillages, une coalition grotesque et un drapeau qui n'a pas besoin d'être présenté. De l'autre, il y a des communautés à Londres, New York, Johannesburg ou Buenos Aires qui prient en direction de Jérusalem, font des dons à la ville, la réprimandent, la défendent et élèvent des enfants qui ne la verront peut-être jamais.

Pour beaucoup à l'extérieur, Israël est moins un pays qu'un symbole condensé, une surface sur laquelle se projettent les peurs anciennes et les espoirs nouveaux avec la confiance de ceux qui n'auront pas à en subir les conséquences. Il devient le symbole de la survie et de la honte, de l'épreuve morale et de la fierté. Les vols à destination de Ben Gourion atterrissent chargés d'un bagage invisible. On attend de cet endroit qu'il soit à la fois un refuge et une réprimande : la preuve que « plus jamais » avait un sens et le rappel que l'histoire n'en a pas fini avec les Juifs.

Cette imagination n'est pas innocente, et elle n'est certainement pas neutre. Pour certains, Israël est le dernier bastion d'un peuple persécuté sur une étroite bande de côte. Pour d'autres, c'est le théâtre d'une transformation impardonnable, où les Juifs sont devenus trop puissants, trop normaux, trop impliqués dans le commerce brutal des frontières et des armes. Ces deux points de vue révèlent ceux qui les expriment. Le Juif australien ou américain des banlieues, qui n'a jamais entendu de sirène en dehors d'un exercice, peut exiger une conduite irréprochable en temps de guerre et parler de « proportionnalité » comme s'il s'agissait d'une preuve mathématique plutôt que d'une défense morale. Le Juif français qui accompagne ses enfants à l'école en passant devant des soldats regarde les mêmes images avec la conscience acquise au fil des ans de ce qui arrive lorsque les Juifs manquent de force, et de la facilité avec laquelle le monde conditionne sa sympathie.

Depuis Israël, le regard revient, et il arrive avec son propre mélange de tendresse et de mépris. Les Juifs de la diaspora sont admirés, plaints, détestés et nécessaires, souvent dans la même phrase. Ce sont ceux qui sont restés en exil lorsque les portes se sont ouvertes, ceux dont l'argent a permis de construire des hôpitaux et des écoles, dont les voix publiques protègent parfois Israël à l'étranger, dont l'influence est recherchée lorsqu'elle est utile et rejetée lorsqu'elle est gênante. Lorsque les condamnations viennent de villes confortables, il y a une irritation naturelle face aux sermons prononcés en toute sécurité. Lorsque le soutien apparaît, il y a une attente tout aussi naturelle qu'il soit inconditionnel, comme si la loyauté était une facture de services publics plutôt qu'une position morale.

Sous ces différences se cache une crainte plus grave, que personne n'aime nommer : que les deux moitiés de cette histoire ne parviennent un jour plus à se reconnaître. Un adolescent à Berlin pour qui la judéité est une identité minoritaire fragile et un adolescent à Haïfa pour qui elle est le bruit de fond de la vie n'habitent pas le même monde mental. Lorsqu'ils se rencontrent, en ligne ou en personne, ils ne se disputent pas seulement au sujet d'un État. Ils testent si le mot « nous » a encore un sens ou s'il est devenu une fiction polie, comme tant d'autres solidarités modernes.

La réponse honnête est peut-être qu'aucune des deux parties ne possède ce mot. Les deux sont des tentatives improvisées, après la catastrophe, de transformer un nom ancien en une sorte d'avenir. La ligne entre Tel Aviv et la banlieue de Melbourne n'est pas seulement une trajectoire de vol. Elle mesure combien de temps cette tentative peut durer avant que les disputes n'épuisent la famille qui, pour l'instant, continue à les avoir.

Israël n'est pas l'accomplissement immaculé d'une promesse, et la diaspora n'est pas une galerie de chagrin. Les deux sont des improvisations faites après une catastrophe ; les deux sont des moyens d'empêcher un héritage meurtri de sombrer dans le folklore. Pourtant, Israël est aussi quelque chose de plus fondamental qu'un arrangement politique. Pour la diaspora, en particulier celle qui est plus discrète et semi-cachée, il fonctionne comme une nécessité psychologique : une colonne vertébrale visible derrière une vie passée à négocier des regards, des rumeurs et le vieux talent du monde pour transformer les Juifs en leçon. C'est une assurance, non pas que le passé sera racheté, mais qu'il ne sera pas effacé ; non pas que la haine a disparu, mais qu'elle ne sera pas seulement accueillie par des supplications. Elle donne à la mémoire une permanence et, ce faisant, offre une protection contre cette trahison familière de l'histoire dans laquelle les Juifs sont invités à faire confiance à l'esprit civilisé de l'époque, jusqu'à ce que cet esprit change.

La distance entre Tel-Aviv et la banlieue de Sydney n'est donc pas seulement géographique. C'est l'espace entre la souveraineté et la vulnérabilité, entre le fardeau de la décision et le luxe du jugement. Si cette distance s'élargit, le danger n'est pas seulement que les arguments s'intensifient. C'est que les arguments cesseront, et que le vieux mot difficile « nous » sera remplacé par deux mots plus petits et plus froids : « eux » et « nous ».

Ab Boskany is Australian poet and writer from a Kurdish Jewish background born in Kurdistan (northern Iraq). His work explores exile, memory, and identity, weaving Jewish and Kurdish histories into fiction, poetry, and essays.

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